Ce digne successeur de son ‘’père’’ n’est-il pas passible de la haute trahison ?
La haute trahison n’a pas été définie par la Constitution. Chacun, chacune peut donc s’en faire son idée. En attendant que cette lacune soit comblée – c’en est une –, je pense que le politicien pur et dur qui nous gouverne en digne successeur de son ‘’père’’ pourrait bien être accusé de ce délit grave. Cet homme a sollicité nos suffrages contre des promesses et des engagements fermes et plusieurs fois réitérés. Une fois élu, il les jette tous par-dessus bord, les uns après les autres. En d’autres termes, il les a tous reniés, tous trahis, ou presque. Le peuple sénégalais donnant l’impression d’être sans mémoire, il faut rappeler sa première adresse à la Nation, après son installation officielle comme quatrième Président de la République du Sénégal, au grand malheur de notre pays. C’était le 3 avril 2012, la veille de la fête de l’indépendance de cette année-là. Dans son adresse, il affirmait notamment ceci :
1 – « (…) S’agissant de la gouvernance économique, je serai toujours guidé par le souci de
transparence et de responsabilité dans la gestion vertueuse des affaires publiques. Je mets à ma charge l’obligation de dresser les comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux ».
2 – « Je compte restituer aux organes de vérification et de contrôle de l’État la plénitude de
leurs attributions. Dans le même sens, l’assainissement de l’environnement des affaires et la
lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement à cœur ».
3 – À tous ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers public,
je tiens à préciser que je ne protégerai personne. Je dis bien personne ! »
4 – J’engage fermement le Gouvernement à ne point déroger à cette règle ».
Auparavant, il s’était engagé tout aussi fermement et solennellement, à réduire la durée du
mandat présidentiel de sept à cinq ans et à se l’appliquer. Cet engagement a encouragé
beaucoup d’électeurs et d’électrices à voter pour lui, se disant naïvement et dans leur for
intérieur : « Voilà enfin le Président qu’il nous faut. ». On connaît la suite : après un peu plus
de trois ans de gouvernance, pressé de toutes parts par les membres de son clan qui,
comme lui, ont commencé à découvrir les ‘’délices’’ du pouvoir et ne voulant courir aucun
risque, il prend la lourde responsabilité de renier sans état d’âme un de ses plus importants
engagements. Il s’adressa ainsi, la tête basse, aux Sénégalaises et aux Sénégalais, pour
leur faire part de sa décision de consulter le Conseil constitutionnel, pour requérir son avis,
tout en sachant par avance, que cet avis lui serait favorable. Dans tout autre pays sérieux
que ce Sénégal facile à gouverner, on lui aurait au moins posé les questions suivantes : Que
n’avait-il pas demandé, avant même l’élection présidentielle, l’avis de juristes qui ne
manquent pas dans ce pays, qu’on trouvait même dans son équipe de campagne ? Une fois
élu et officiellement installé, que n’avait-il pas demandé l’avis du Conseil constitutionnel ? Au
lieu de cela, il a continué à réitérer son engagement pendant au moins trois ans, jusques sur
les perrons de l’Élysée, devant le président français d’alors, Nicolas Sarkozy ébahi. Un beau
matin, il se réveille pour prendre la grave décision, la décision honteuse de se renier, de
nous trahir.
Tout le reste de sa gouvernance est jalonnée de reniements, de trahisons, de forfaitures de
toutes sortes qui, dans toute grande démocratie, lui auraient valu les pires déboires, y
compris avec la justice. L’ancien président Sarkozy est renvoyé devant le Tribunal
correctionnel de Paris pour des délits présumés, qui sont des peccadilles par rapport aux forfaits accumulés par notre présidents-politicien pendant huit ans, et qui continuent de plus
belle, au su eu vu de tout le pays.
Le plus navrant, c’est que rien ne le dérange. Des vingt-cinq ministres qu’il s’était engagé à
ne pas dépasser, voulant éviter, comme son prédécesseur, que « les ministres se
bousculent dans la salle du Conseil », il en est aujourd’hui à près de quarante, peut-être un
peu plus – qui sait ? – avec des ministres conseillers spéciaux, des ministres conseillers,
des conseillers, des conseillers spéciaux, des chargés de mission et des ambassadeurs
‘’itinérants’’ 1 nommés dans les localités les plus reculées du pays, pour racler le maximum
d’électeurs et d’électrices.
J’ai lu un excellent texte du Pr Ngouda Mboup. Il y qualifie la gouvernance du président-
politicien de « sombre et vicieuse ». Elle est plus que cela, elle est pire que tout. Elle est à
mille lieues de la transparence, de la sobriété et de la vertu. Le politicien pur et dur qui la met
en œuvre depuis huit ans, nourrit et entretien la corruption au sommet le plus élevé de l’État,
et sans état d’âme. Les métastases de ce fléau dévastateur n’épargnent aucun secteur de la
vie nationale. Les ententes directes, les marchés de gré à gré, le fractionnement des
marchés publics avec les fortes surfacturations qui les accompagnent, les marchés fictifs, les
détournements de deniers publics manifestement encouragés, sont carrément érigés en
règle de gouvernement, au grand bonheur des gestionnaires qui s’en donnent à cœur joie.
Pourtant, il avait juré qu’il mènerait une lutte sans merci contre la corruption et les
détournements de deniers publics. Il s’était ainsi fermement engagé à « restituer aux
organes de vérification et de contrôle de l’État la plénitude de leurs attributions ». Dans cette
perspective, il avait créé l’Office national pour la lutte contre la Fraude et la Corruption
(OFNAC). Il avait aussi exhumé la Cour de Répréhension de l’Enrichissement illicite (CREI)
pour faire rendre gorge à tous et à toutes celles qui avaient profité de leurs fonctions pour
s’enrichir à un niveau insoutenable sur le dos du pauvre contribuable. On se rappelle qu’il
lançait en direction des membres de son clan, que « La CREI était pour les autres, mais que
l’OFNAC était pour (eux) ». Il ajoutait avec force dans son discours du 3 avril 2012 : « À tous
ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers public, je tiens à
préciser que je ne protégerai personne. Je dis bien personne ! » Et il engageait le
Gouvernement « à ne point déroger à cette règle ».
On connaît la suite. Pour la CREI, une liste de vingt-cinq personnes avait été dressée et nos
gouvernants révélaient qu’ils s’étaient enrichis, de façon illicite, de plusieurs milliers de
milliards CFA. Je ne m’attarde pas sur la suite réservée à cette affaire de milliards. Toutes
les personnes alors mises sévèrement en cause, sauf deux ou trois, ont honteusement
retourné leurs vestes pour se bousculer autour du président-politicien qui les accueille à bras
ouverts. Quant à l’OFNAC et les autres organes de contrôle, ils ont été rabougris, réduits à
leur plus simple expression. Pour ne prendre que l’exemple de l’OFNAC, il a déposé auprès
du Procureur de la République vingt-cinq dossiers qui dorment encore sur sa table, jusqu’à
preuve du contraire. Une des personnes les plus mises en causes dans ces dossiers, l’ex-
Directeur général du COUD, a été nommée ministre de la République et a même osé porter
plainte contre l’ancienne Présidente de l’OFNAC. On aura tout vu dans ce pays entre les
griffes du président-politicien.
« Des chargés de mission et des ambassadeurs ‘’itinérants’’ qui n’ont jamais mis les pieds à la Présidence de la République, ni au Ministère des Affaires étrangères, en tout cas pour le grand nombre d’entre eux. «
Je vais m’attarder un peu plus sur un organe de contrôle qui a perdu son prestige : il s’agit de l’Inspection générale d’État que le président-politicien a confinée dans une hibernation totale. Á part les affaires de la Caisse d’Avance de la Mairie de Dakar et de Petro-Tim, on n’entend pratiquement plus parler d’elle. Et même si, par extraordinaire, elle continuait de travailler, ses rapports finiraient sous le coude lourd et pointu du président-politicien. Certains de ses courtisans peuvent me rétorquer que les rapports de l’IGE ne sont pas rendus publics à moins d’être déclassifiés. Sans doute. Cependant, beaucoup de personnes ne savent pas que, depuis 2013 ou un peu avant, une réforme a été apportée au fonctionnement de l’IGE. Cette réforme a abouti à trois innovations majeures :
- la création d’un emploi de vérificateur général du Sénégal et de celui de Vérificateur général adjoint ;
- l’institution d’un mandat d’une durée de sept (7), non renouvelable, pour le Vérificateur général du Sénégal, afin de renforcer son indépendance ;
- l’obligation pour le Vérificateur général du Sénégal de présenter, chaque année auPrésident de la République, un rapport d’activités sur l’État de la Gouvernance publique (‘’Rapport public sur l’état de la gouvernance et de la Reddition des Comptes’’).
Ce rapport, synthèse des principaux résultats des missions de l’IGE, est un instrument de
reddition des comptes du Vérificateur général. Il est présenté annuellement au Président de
la République puis rendu public. Il ne l’est plus, malheureusement, depuis 2015. Nous
attendons ainsi les rapports de 2016, 2017, 2018, 2019 tous bloqués, semble-t-il, par le
président-politicien, soucieux de protéger certains de ses proches qui y seraient sévèrement
épinglés. N’est-ce pas lui qui avait clamé haut et fort qu’il ne protégerait personne? « Je dis
bien personne », avait-il répété avec force. Quel crédit accorder désormais à ce président-
politicien adepte, comme son prédécesseur et sosie, de l’ignoble wax waxeet ? Aucun,
aucun vraiment. Sa parole ne vaut plus aucun kopeck, ce qui ne le dérange pas le moins du
monde.
Il convient faire remarquer quand même, avec force, qu’en choisissant de mettre le coude
sur tous les rapports des organes de contrôle, il nous porte terriblement préjudice, il nous
prive surtout de notre droit inaliénable à une information plurielle, que nous reconnaissent aussi bien la Constitution que la Directive n° 1/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 de l’UEMOA portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’Organisation sous régionale. Cette directive communautaire a été transposée dans notre droit interne par la loi n° 2012-22 portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques. Peu lui importe. Ce qui le préoccupe par- dessus tout, c’est la sauvegarde des intérêts égoïstes de sa dynastie et, à un moindre degré, de sa coalition politique.
Le ‘’Rapport public sur l’état de la gouvernance et de la Reddition des Comptes’’ en
particulier, constituait le seul lien entre l’IGE et nous. Il nous permettait, chaque année, de
nous faire une idée de la manière dont fonctionne notre administration et dont nos deniers
sont gérés. Á quoi sert donc cet organe de contrôle qui était pourtant si prestigieux mais que,
malheureusement, le président-politicien confine désormais dans une hibernation
paralysante ?
Du temps de sa grandeur, le rêve de tout haut fonctionnaire était d’y accéder, après un
concours très sélectif. Ce concours était ouvert aux fonctionnaires de la hiérarchie A1
totalisant au moins dix ans d’expérience professionnelle si mes souvenirs sont exacts, ainsi
qu’aux titulaires de doctorats pour le côté direct 3 . Les admis étaient rares (un ou deux,rarement trois). Il y avait des années avec zéro admis. Il n’était pas donc donné à n’importe qui d’accéder à ce prestigieux corps. Cependant, le Président de la République pouvait y nommer des gens par la voie de ce qu’on appelle le ‘’Tour extérieur’’, qui était quand même encadré. Aujourd’hui, le président-politicien en use et en abuse. Le concours de recrutement n’a pas été organisé, semble-t-il, depuis l’année 2013. Le politicien pur et dur nomme à tour de bras des inspecteurs généraux d’État qui seraient loin, très loin d’avoir le profil idéal. Dommage que ce corps d’élite en soit arrivé là, du fait de la scandaleuse politique politicienne, marque de fabrique de la gouvernance que l’homme à la tête du pays met en œuvre depuis le 2 avril 2012.
« Nous emploierons à l’illustrer dans la deuxième partie de ce texte.
L’actuel Vérificateur général, François Collin (je crois), y a accédé par voie de concours direct. C’est le fils de feu Jean Collin, ancien Secrétaire général de la Présidence de la république, dont on disait qu’il était très puissant, peut-être plus puissant que le Président de la république qui s’en remettait à lui presque pour tout, jusqu’à ce fameux 27 mars 1990. »
Un livre ne suffirait pas pour passer en revue les nombreux crimes, les nombreuses
forfaitures qui jalonnent la déjà trop longue gouvernance du digne ‘’fils’’ de son ‘’père’’. Je
conclus donc provisoirement ce texte, déjà long, donnant rendez-vous aux lecteurs et aux
lectrices intéressé(e)s, dans les tout prochains jours, à la deuxième et dernière partie.