Le Kenya a retrouvé son calme après l’élection du 26 octobre. Le président Uhuru Kenyatta a été réélu. Son adversaire Raïla Odinga ne reconnaît pas l’élection et il a dévoilé sa stratégie avec une campagne de résistance, avec boycott économique et des manifestations, mais également avec la création de structures comme une assemblée du peuple. Pour autant, ses intentions restent encore mystérieuses. Autour de lui on essaie de faire comprendre la tactique de l’opposition. Côté société civile, les premières réactions n’ont rien de glorieux ni pour le processus électoral ni pour la classe politique.
Le plus intéressant dans la stratégie de Raïla Odgina, c’est peut-être ce dont l’opposant n’a pas parlé. Pas un mot par exemple sur un éventuel recours en justice qui avait pourtant permis d’annuler le scrutin d’août dernier. John Mbadi, président du parti d’opposition ODM, apporte un éclairage : « Quand vous êtes dans notre situation comme la nôtre, on ne peut jamais être compris par tous. On ne peut pas empêcher un citoyen d’aller devant la Cour suprême. Mais la NASA, elle, n’ira pas. Nous allons nous gouverner nous-mêmes avec nos élus au Sénat, à l’Assemblée, dans les comtés. Mais nous ne reconnaissons pas ce président et son gouvernement. Nous allons continuer nos actions et traiter le pouvoir comme on traite toute autorité illégitime. »
Un diplomate confie que même si l’opposition ne présente pas de recours en justice, elle peut utiliser des citoyens pour le faire à sa place.
Par ailleurs, comment la NASA espère-t-elle peser sur la vie politique avec son projet d’assemblée du peuple dont les membres n’auront aucun mandat politique ? Le député et avocat Otiende Amollo est convaincu de son influence. « Si la volonté collective est violée par les leaders, dit-il, on peut la révoquer et l’appliquer directement à travers une assemblée du peuple. Vous pouvez vous réunir n’importe quand si vous pensez que des questions ne sont pas résolues par les institutions, surtout dominées par le pouvoir. Donc on pourra parler avec tout le monde pour savoir pourquoi notre système électoral ne fonctionne jamais, et qu’est-ce qu’on doit modifier dans la Constitution. »
Le député Amollo nie qu’il s’agit là d’un gouvernement parallèle. Les élus de la NASA reconnaissent en tout cas que la bataille sera longue.
■ Après le scrutin, la société civile réagit
Quelques jours après le scrutin, les premières réactions de la société civile n’ont rien de glorieux pour le processus électoral et la classe politique. Plusieurs structures rejettent le scrutin, certaines proposent des solutions de sortie de crise.
A peine terminé, le processus électoral bis est déjà très fragilisé. Après l’opposition, plusieurs organisations émettent de sérieuses critiques à leur tour.
« Les interférences politiques, l’environnement violent, l’annulation du vote dans plusieurs circonscriptions, l’hostilité et l’incertitude générales, tout cela a fait que l’environnement n’était pas propice à une élection libre, juste et crédible. On ne peut pas se prononcer sur la légitimité du processus, mais nous avons beaucoup de travail devant nous », affirme Regina Opondo, présidente d’ELOG, qui rassemble plusieurs milliers d’observateurs kenyans.
ELOG appelle à un dialogue national pour sortir de la crise. Mais l’organisation We The People, va plus loin. Pour elle, l’IEBC a échoué à organiser un scrutin crédible. Et le président Kenyatta manque de légitimité.
« Notre organisation rejette cette élection illégale mais aussi les appels à en tenir une nouvelle dans les 90 jours car elle devrait être gérée par ce qui est devenu une commission électorale totalement discréditée, déclare Zahid Rajan, membre de We The People. Des recours en justices sont maintenant probables. Le Kenya risque une crise de plus en plus profonde et dangereuse. Et la tension actuelle ne permet pas un nouveau scrutin à court terme. »
We The People propose elle un mécanisme de transition d’un an pour réformer correctement la commission électorale et apaiser les tensions. En attendant, d’autres voix continuent de s’élever. Le Conseil national des Eglises propose lui un partage du pouvoir, en créant un poste de Premier ministre et de donner un statut officiel à l’opposition.